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    Comme tous les indiens et notamment les Irokois, si je garde le même tipi et le même état d'esprit, j'ai décidé de changer de prairie et de faire de ce blog, mon blog principal....


    Comme sur Over- blog et en fonction des possibilités de la maison, des textes, des photos et même une nouvelle chonique, celle du colonel DOG qui avec son ami le docteur BRANDYet son confident le reverent père CLAMS - CLOVER ont un certain nombre de sujets de reflexions sur ce que nous vivons actuellement...


    Sujets qu'ils partent discuter au pub en bas devant une pinte de Guiness


    Alors bienvenue ici et bonne lecture...


    Votre vieil Last Irokoi

  • CHAPITRE 3 : L’INSTALLATION / premier jour

     

    Il resta sur le seuil pendant qu’elle entrait ouvrir les volets. Puis, elle lui fit signe d’entrer. Du sable était passé sous la porte, poussé par le vent et crissait sous ses pas. Au milieu de la pièce qui sentait la fumée refroidie, une grande table rectangulaire était encombrée d’outils et d’ustensiles de cuisine. Dans la cheminée de pierre noircie, pendaient du lard jaune et un bouquet d’herbes. Un vieux fauteuil de cuir brun et un énorme coffre, le long du mur du fond, encadraient une porte entrouverte qui donnait sur une seconde pièce. Elle y pénétra. Il s’était assis sur un banc, les jambes coupées par la fatigue.

     

    Elle revint rapidement. Elle s’était changée et portait une blouse grise. Elle vint le prendre par le bras en riant et le força à se lever. Il la suivi dans la seconde pièce. C’était une petite chambre. Un grand lit et une armoire de bois sombre prenaient presque toute la place. Par la fenêtre, étroite, il apercevait la lande immobile sous le ciel gris. Il y avait l’odeur des pommes qui mûrissaient dans un compotier de faïence bleue. Dans un placard, éclairé par une lampe à pétrole, sous un miroir, une cuvette de métal pleine d’eau, du savon, une serviette et un vieux rasoir à manche de corne.

     

    Il se débarbouilla et se rasa maladroitement. Il s’assit sur le bord du lit pour passer une chemise blanche qu’elle avait sortie de l’armoire, mais il n’eut pas le temps de finir son geste. Il s’était effondré, le nez dans l’édredon : Il dormait déjà.

     

    Il dormit tout le jour et toute la nuit qui suivit.

     

    Quand il se réveilla, un jour gris s’était levé et des rafales de vent secouaient la croisée. Il se leva et se dirigea vers le cabinet de toilette. Il était totalement nu et ses vêtements avaient disparus. Il regarda le lit; il n’avait pas dormi seul ; le second oreiller portait encore l’empreinte d’une tête. Il s’aspergeât le visage d’eau froide et se ceignant la taille avec la serviette, il passa dans l’autre salle.

     

    Personne ; La maison était vide. Des braises palpitaient faiblement dans la cheminée. Il sorti pour uriner, à quelques pas, dans un fossé plein d’orties. Le silence était encore plus prégnant qu’à l’intérieur. Il rentra en frissonnant. Dans l’âtre, deux pots de métal, l’un de café et l’autre de lait avaient été mis à tiédir. Il s’installa à table et prit le pain pour se couper deux tartines. En se penchant pour saisir le lait et le café, il aperçut un costume de velours sombre et une chemise de toile écrue soigneusement pliés sur le coffre. Devant, une paire de bottes était déposée impeccablement cirées. A coté, un beau chat noir montait la garde et le regardait de ses yeux verts.

     

    Il déjeuna puis s’habilla et sorti, mettant sur ses épaules un caban pendu derrière la porte. Il alla marcher sur la grève d’où la mer se retirait. Il ne pensait à rien, il rêvait, il était bien, un peu comme un convalescent sortant d’une fièvre tropicale. Au loin, des oiseaux paillaient dans le silence chuchotant de la marée basse. Quand il s’assit sur un rocher, à coté de la maison, pour se reposer un peu, il s’aperçut que le chat l’avait suivi.

     

    Elle ne rentra qu’au milieu de la journée. Il l’aperçu au détour du sentier, arrivant de la lande ; Elle portait un panier à bout de bras et un sac de toile sur l’épaule. Il vint au devant d’elle pour lui prendre le panier. Elle refusa son aide en secouant la tête.

     

    Un peu essoufflée, elle posa son chargement sur la table et regarda la cheminée ; les cendres étaient noires ; il avait laissé mourir le feu. Elle le regarda en secouant à nouveau la tête et le poussa vers le vieux fauteuil. Elle jeta une brassée de branchages secs sur les chenets. Un mince ruban de fumée bleue se déroula doucement et brusquement un bouquet de flammes jaunes d’or s’ouvrit sur la pierre du foyer.

     

    Elle sorti de ses paniers, des légumes aux fanes pleines de terre, des paquets enveloppés dans de gros papiers beiges, un pain noir plein de farine et enfin, un journal qu’elle lui tendit. Il parcouru la première page. C’était un quotidien à la mise en page et aux caractères noirs, austères ; un journal sérieux, surement bien-pensant, conservateur, sans photographie, ni dessin. Il ne comprenait rien ; même les titres, dont certains caractères lui étaient inconnus, étaient indéchiffrables,

     

    Il releva la tête, elle était devant lui et lui tendait deux paquets grossièrement emballés, deux cadeaux. Dans le premier, il y avait une pipe, énorme, en bois lisse aux veines apparentes qui portait encore les marques du ciseau de l’artisan. Dans le second, c’était du tabac noir et très grossièrement coupé. Il la regarda, interrogatif. Elle lui dit quelque chose en pointant son index vers sa poitrine. Il la remercia en hochant la tête et commença à bourrer le foyer en tassant du pouce, le tabac puis se leva pour l’allumer à un tison de la cheminée. Il tira une bouffée et se mit à tousser, les larmes aux yeux. Elle éclata de rire. Il rit aussi, la gorge en feu et retourna s’asseoir dans le fauteuil. La seconde bouffée passa un peu mieux, bien que le tabac fût horriblement âcre ; mais, peu à peu il s’habitua. Elle lui fit signe de rester assis et de lire le journal puis retourna à ses provisions qu’elle rangeait dans le coffre de bois et sur la fenêtre. Puis, elle prit un gros poisson qu’elle se mit à vider avant de le mettre à cuire dans un four ouvrant dans la muraille de la cheminée. Elle chantonnait en mélangeant des œufs du lait et de la farine. Tout en fumant avec précaution sa pipe, il examinait la première page du journal. Il ne comprenait rien à cette langue. Ce qui était certain, par contre, c’est que la jeune femme semblait heureuse. Plus rien à voir avec la jeune femme mystérieuse, un peu trop maquillée, du train. Elle faisait plus jeune, presque une enfant qui semblait s’amuser, jouer à la ménagère préparant le repas de l’homme de la maison qui attendait en lisant son journal et en fumant sa pipe dans son fauteuil. Alors il continua à faire semblant d’être le père ou le mari de cette inconnue qui l’avait adopté même si la bouffarde commençait à lui donner la nausée.

     

    Lorsqu’elle prit le broc d’eau pour aller à la pompe derrière la maison, il en profita pour poser la pipe et, lui prenant le récipient des mains, aller chercher lui-même l’eau afin de respirer un peu l’air du large.

     

    Dehors, le silence de ce midi blanc lui sauta au visage. La lande qui s’étalait à perte de vue était déserte sous un ciel plombé de nuages gris et noir. La marée s’était retirée et le vent ne sifflait plus depuis le haut des rochers. Ce paysage ressemblait à son esprit, à sa mémoire… vide mais peuplée d’impressions, d’images. Il repensa à la nuit du train et frissonna. Songeur, il levait et abaissait le bras de la pompe. L’eau arriva d’un coup et l’éclaboussa d’un trait gelé.

     

    Et quand il posa le broc plein d’eau sur l’évier, elle le regarda en souriant.

     

    Ils mangèrent en silence, dans le silence de cette maison qui sentait à présent les aromates et le sucre du dessert. Elle le servait et quand elle lui proposa une troisième part de tarte, il refusa d’un geste de la tête. Il la regardait manger. Une enfant, une enfant qui prenait très au sérieux son rôle de maitresse de maison.

     

    Après le repas, il voulut débarrasser la table. Elle l’en empêcha et le repoussa vers le fauteuil où il dû à nouveau reprendre sa pipe et son journal. Il continua à jouer son rôle de maître de maison.

     

    Dès que la dernière assiette fut essuyée et que le coup de balaie fut passé sur le sol, elle s’approcha de lui et lui dit quelque chose en montrant la fenêtre de la main d’un large geste circulaire. Elle voulait aller se promener avec lui. Alors, il se leva et passa la grosse vareuse de tissus bleue. Elle passa un vêtement sombre et remit ses bottes. Ils sortirent et prirent le chemin de la lande. Le vent venait de se relever. La marée remontait. Au sens du vent et au bruit du ressac qui, alternativement, s’éloignait et se rapprochait, il comprit qu’ils longeaient la mer. Le sentier de sable gris et humide se mit à monter et bientôt, déboucha au sommet des dunes. Ils furent accueillit par une bourrasque de vent. L’horizon était ourlé à perte de vue de rouleaux d’écumes qui hésitaient entre l’ivoire des nuages et le jade des récifs. A main droite, la lande allait jusqu’à l’horizon souligné du fin ruban du petit sentier qui continuait à serpenter.

     

    Ils reprirent leur route et bientôt, arrivèrent, derrière les dunes, dans une petite arène, presque parfaitement circulaire dont le centre était occupé par un enclos et une masure faite de branchages et de planches noires d’humidité. Elle souleva la barrière de l’enclos et une trentaine de moutons qui s’étaient abrités du vent derrière la masure se précipitèrent vers eux. Attiré par le bruit, une silhouette entrebâilla la porte de la masure et une femme, âgée et ridée par le vent, vêtue d’une large robe de grosse toile bleue, sans forme, sortie et s’avança vers eux. Elle prit la voyageuse dans ses bras et l’embrassa.

     

    Puis, la vieille se tourna vers lui en demandant vraisemblablement à la jeune femme qui il était. Elle répondit longuement dans une langue dont il ne saisissait pas le moindre mot. La vieille posa deux ou trois questions et sembla satisfaites des réponses. Elle les fit rentrer.

     

    C’était une cabane encore plus pauvre que celle de la jeune femme mais propre, très propre. Elle se déchassa sur le seuil et passa des chaussons de feutre et leur fit signe de s’asseoir sur un banc de bois face à une table de bois brut. Cette table et ce banc constituaient avec un cadre de lit plein de fourrage le seul ameublement de la pièce. Une vaste cheminée où brulait deux ou trois buches occupait le fond de la pièce. La lumière arrivait par une lucarne sur le côté gauche de la pièce, à l’opposé de la mer. Elle mit un récipient plein d’eau à chauffer. Les deux femmes discutaient. Il était question de lui car, à deux reprises, la jeune comme la vieille le désignait du regard. Mais il ne comprenait rien de ce qu’elles pouvaient dire. Elles parlaient vite. C’était une langue rugueuse pleine de sons sourds et lourds. Mais lui-même, et cette pensée deux secondes le déstabilisa, ne savait pas en quelle langue il pensait ou il parlait…

     

    La vieille femme s’était approche de lui avec un pot de faïence à la main où elle avait jeté une poignée d’herbe. Elle lui tendit et versa l’eau bouillante par-dessus. Elle fit de même pour la jeune femme et enfin pour elle-même. La vieille dit 2 mots en soulevant la chope et bu une large gorgée de liquide bientôt suivit par la jeune. Il se décida enfin mais il failli tout recracher tellement c’était chaud. Il avala le liquide en s’ébouillantant l’œsophage. Les deux femmes s’en aperçurent et se mirent à rire. Cela lui faisait si mal qu’il avait les larmes aux yeux. Et puis la douleur s’estompa comme elle était venue et il se mit à apprécier le goût sauvage, un peu acidulé de l’infusion.

     

    Et comme toutes les femmes qui ne peuvent pas rester deux secondes sans bavarder, elles reprirent leur discussion.

     

    Soudain, la jeune femme après un léger silence, posa, avec, semble-t-il hésitation, une question à la vieille. Celle ci la regarda longuement puis le regarda lui, plissant les yeux allant même jusqu’a s’approcher le plus près possible en l’examinant presque sous le nez. Et avec un grand sourire, elle hocha la tête affirmativement en répétant deux ou trois fois « doï, doï, doï ». Elle semblait d’accord,

     

    Elles parlèrent encore longtemps, si longtemps qu’il se leva pour se dégourdir les jambes. Il alla regarder, par la fenêtre, la lande toujours immobile dans le silence de l’après-midi qui s’écoulait doucement. Juste de temps à autre, un agneau qui devait appeler sa mère.

     

    Lorsqu’ils reprirent le chemin du retour, la nuit tombait déjà.

     

    Ce fut une soirée semblable à la journée qu’il venait de passer, feutrée, nimbé de quelque chose d’irréelle. Ce monde de lande et de mer, ces masures plantées au milieu de nulle part, ces moutons, jusqu’aux fleurs qui se déguisaient pour imiter des rochers, des récifs…

     

    Oui, tout cela ressemblait à un décor de théâtre, semblait faux comme le compartiment du train, la gare déserte ou les tramways. Oui, Tout semblait faux et si réel à la fois.

     

    Comme le midi, Elle ne voulut pas qu’il l’aide à faire la cuisine. Il resta donc assis sur le banc, devant la table, écoutant le vent qui soufflait de plus en plus fort dévalant la pente des dunes pour venir frapper à la porte. Il avait pris sur la table, un couteau, un vrai couteau de paysan à la lame forte et affûtée comme un rasoir. Devant lui, il y avait un morceau de bois flotté trouve sur le chemin du retour, patiné par les marées et le sable, Sans même y penser, il avait commencé à tailler le bois avec le couteau. Il regardait la jeune femme qui battait l’omelette et sans qu’il en prenne immédiatement conscience, c’était le buste de la jeune femme qu’il sculptait dans le bois… Bientôt, ce fut toute une silhouette qui apparue comme par magie.

     

    Il dut s’interrompre pour manger.

     

    Puis, à la lueur de deux lampes à pétrole qui fumaient un peu et des braises du feu, après la vaisselle, ils s’’installèrent chacun à un bout de la table, sur le banc ; elle tricotant un ouvrage de laine brune et rouge et lui, terminant la statuette de bois, étonné de ce don de sculpteur dont il n’avait même pas conscience. Tout deux dans le bruit du vent qui doucement tournait à la tempête s’absorbèrent dans leur ouvrage.

     

    Longtemps après, elle se leva et lui dit certainement « bonne nuit ». Elle se dirigea vers la chambre à coucher et laissa la porte entrouverte. Il entendit, quelque temps après, qu’elle entrait dans le lit. Elle baissa la mèche de la lampe sans toutefois l’éteindre totalement.

     

    A son tour, il pénétra dans la chambre et se déshabilla dans l’ombre. Elle lui avait laissé la place du coté de la lampe. Il eut l’impression qu’elle dormait déjà. Il se glissa dans le lit et ferma la lumière. Il était presque endormi quand il senti contre lui les deux pieds glacés de la jeune femme. Comme toutes les femmes du monde entier, elle venait chercher près de l’homme partageant sa couche un peu de chaleur pour se réchauffer les pieds. Il ne bougeât pas et tandis que la tempête se déchaînait sur l’estran, il s’endormit tout à fait.

     LAST IROKOI C 2013


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  • CHAPITRE 2 : LE VOYAGE – la seconde nuit de train

     

    Le tram n’avait qu’une seule voiture et son moteur « diesel », hors d’age, s’entendait de loin. Il roulait presque toujours à vide. Il quittait le dépôt avant l’aube, et traversait de village en village, les plaines agricoles de l’est pour arriver au terminus, devant le port, à l’heure du déjeuner. Le conducteur allait manger dans une auberge, face à la capitainerie et repartait, en sens inverse, toujours à vide, vers la campagne, pour arriver à la nuit tombée.

     

    Le machiniste ne s’était pas aperçu de sa présence. Elle avait du monter en tête de ligne alors qu’il faisait encore nuit et qu’il avait le nez sous le capot, tapant sur un injecteur qui ne voulait pas fonctionner. Elle s’était installée à l’arrière de la voiture, près de la fenêtre.

     

    Lorsqu’elle demanda l’arrêt à la gare, il regarda dans le rétroviseur et découvrit la jeune fille. Il s’arrêta à la station et tandis qu’elle descendait par la porte du milieu, le voyageur du train montait par l’avant. Le conducteur en secouant la tête lui dit quelque chose comme « Nema » et lui fit signe de redescendre.

     

    Le voyageur se retourna : La jeune fille s’éloignait vers la gare. Il couru et l’arrêta par le bras au milieu du hall des départs. Elle leva le visage vers lui et le regarda. Elle était maigre et pâle, vêtue d’un manteau noir, presque belle, malgré la tache sanguine de son rouge à lèvres. Il lui demanda :

     

    - Où sommes-nous ?

     

    Elle ne réagit pas.

     

    - Dans quelle ville ? Dans quel pays nous trouvons nous?

     

    Elle continuait à le regarder tranquillement. Enfin, elle haussa les épaules pour dire qu’elle ne comprenait pas ou que cela n’avait pas d’importance. Enfin, elle prononça le même mot que le machiniste: « néma ». Puis, elle fit demi-tour et continua son chemin. Il l’a suivit sur le quai.

     

    Il monta derrière elle, dans un vieil autorail, rouge et jaune qui attendait à quai. Il s’assit en face d’elle, le dos à la marche, près de la vitre. L’autorail était vide. Il démarra dans un nuage de gasoil. La pluie dessinait d’étranges ruisseaux sur la vitre frileuse.

     

    Il la regardait. Elle, elle regardait le paysage. Bientôt la voie se mit à longer un rivage. La mer s’était retirée très loin sur l’estran. Tout était gris. Il regarda sa montre. Il était un peu plus de 14 heures. Il avait faim.

     

    Du temps passa. Régulièrement, l’autorail s’arrêtait à des stations toujours désertes. Sous la crasse noire, les pancartes étaient illisibles.  Au bout du quai, souvent, un passage à niveau s’ouvrait, de part et d’autre des rails, vers la grève ou vers un marais, vers nulle part.

     

    Il s’était endormi. Quand il rouvrit les yeux, la lumière sur la mer avait baissé. La nuit tombait. Il était presque 18 heures à sa montre. Il avait mal partout, au dos, à la nuque, aux reins. Il se leva et immédiatement tout se mit à tourner. La faim lui donnait la nausée. Elle le regarda. Il alla jusqu’au bout de la voiture et entra dans les wc. L’odeur de gasoil y était plus forte encore qu’ailleurs. Il eut un violent haut le cœur qui le tordit en deux mais il ne pu rien vomir. Il était livide dans le miroir. Il se passa un peu d’eau sur le front et se rinça la bouche. Puis, il retourna s’asseoir.

     

    Elle le regarda à nouveau. Il avait une mine épouvantable :

     

    - J’ai faim… mangée. Je suis malade… Malade vous comprenez ?

     

    Il accentuait son discours en lui montrant de la main sa bouche et son estomac. Elle se leva, prit son sac au dessus d’elle et en sorti un paquet de gâteaux secs. Elle lui tendit. Il en dévora quatre d’un coup…Sa nausée se dissipa. Il allait mieux. Il en avala encore deux autres et songea enfin à la remercier en lui rendant le paquet presque vide. La jeune femme se leva et se dirigea vers les toilettes. Quand elle revint à sa place, il dormait, la tête appuyée contre la vitre.

     

    Ce fut le silence qui le réveilla. L’autorail était arrêté en pleine campagne. C’était la nuit... Une lune de corail éclairait, sur la grève, des rochers pleins de givre. Plus loin, la mer immobile était figée. Un frisson le secoua. Il prit conscience du froid qui avait envahi le wagon, immobile.

     

    La jeune fille, aussi, avait du avoir froid. Elle était venue s’asseoir à coté de lui et s’était rendormie. Cherchant de la chaleur, elle s’était pelotonnée contre son épaule. Tout doucement, il se contorsionna pour regarder l’heure à sa montre sans la réveiller. Il était un peu plus de 4 heures. Cela faisait 24 heures qu’il s’était réveillé dans le compartiment d’un train inconnu.

     

    Il y eut une longue gifle de vent alternant nuit et lumière: Un express passait en sens inverse. Tout de suite après, l’autorail redémarra, franchi l’aiguillage et reprit la voie principale en accélérant. La jeune fille dit un mot incompréhensible dans son sommeil et se rapprocha encore un peu plus de lui. A l’horizon, sur la mer, la lune devenait de plus en plus rouge

     

    Quand il se réveilla, le jour était levé. L’autorail suivait toujours le rivage. La plage était blanche, étincelante, aveuglante sous la neige et plus loin, la mer n’était qu’un chaos de glace et de granit mêlé. De l’autre coté de la voie, il y avait des marais. Il faisait froid, très froid et le chauffage de la voiture ne pouvait rien contre ce froid polaire.

     

    Elle aussi était réveillée. Elle avait regagné sa place en face de lui. Elle regardait le paysage. De temps à autre, elle frissonnait. A sa montre, il était un peu plus de 7 heures du matin. Depuis l’arrêt de la nuit, l’autorail n’avait fait aucune halte.

     

    Il fut prit d‘un malaise ; ce n’était pas la faim ce matin. Ce fut une brusque et ephèmere prise de conscience ; Il était ce voyageur amnésique qui depuis plus de trente heures maintenant, traversait, sans s’étonner, des paysages tristes, des villes froides et des gares désertes. S’il ne savait pas d’où il venait, il ne savait pas non plus ou ce train le menait, pourquoi il avait suivi cette fille et pourquoi il continuait de voyager avec elle. Comme au bord d’un gouffre, stupéfié de vertige, tout ce vide l’attirait.  C’était dans l’ordre des choses. Il se répéta deux ou trois fois cette phrase : « dans l’ordre des choses » et son malaise disparu.

     

    Il lui montra le cadran de sa montre et lui demanda :

     

    - Quand arrive t on ?

     

    Elle le regardait sans comprendre.

     

    - Quand est ce que l’on arrive ? A quelle heure ?

     

    Elle ne comprenait toujours pas. Et comme il continuait à l’interroger, elle se tourna résolument vers la fenêtre. Elle boudait, comme une gamine.

     

    Vers 8 h 15, l’autorail se mit à ralentir et aborda au pas une large courbe qui suivait le rivage. Dans une cacophonie de freins et d’amortisseurs malmenés, le convoi s’arrêta enfin. La jeune fille lança un regard au voyageur : c’était là.

     

    Ils se levèrent. C’était une simple station comme le convoi en avait rencontré des dizaines depuis le début du voyage. Ils descendirent l’un derrière l’autre et la jeune femme faillit glisser sur la neige durcie. Il la rattrapa par le bras. L’autorail redémarra faisant s’envoler quelques oiseaux.

     

    La gare était au milieu de nulle part ; aucun village, aucune maison, aucune âme, juste un sentier qui traversait un marécage gelé et allait, après le passage à niveau, se perdre vers la grève.

     

    Ils marchèrent ; ils marchèrent longtemps longeant la mer derrière la ligne des dunes. Il faisait froid, très froid. Le silence était impressionnant, juste troublé par le bruit de la neige sur le sable qui craquait sous leur pas. Parfois, à leur approche, des oiseaux s’enfuyaient dans un froissement d’ailes, sans un cri.

     

    Il était épuisé. Il marchait les yeux sur le sol de peur de tomber. Il avançait comme dans un rêve, sans penser à autre chose qu’à manger dans un endroit chaud où il pourrait se reposer enfin. Le reste n’importait pas, n’importait plus.

     

    Enfin, le sentier fit un large détour pour contourner un gros dolmen. La maison était derrière. On ne savait qui, de la pierre levée ou de la bâtisse, soutenait l’autre. C’était une petite maison de pierre dont les fenêtres et la porte faisaient face au marais, n’offrant aux rafales du large que son dos de granit.

     

    Elle se baissa pour prendre une clé cachée entre deux pierres près du seuil couvert de verglas.  Ils entrèrent.

     

    Last Irokoi © 2013


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  • CHAPITRE 1 : LE VOYAGE – la première nuit de train

     

    Ce fut le froid qui le réveilla, le froid et une crampe dans la cuisse gauche. Puis, il prit conscience du bruit, un bruit monotone, scandé, obsédant. Il ouvrit les yeux. C’était la nuit. Il ne comprenait pas où il était… Une veilleuse mauve, en haut, se reflétait dans une vitre d’où sourdait le froid.

     

    Brusquement il comprit : il était dans un wagon, dans un vieux wagon à compartiments et il roulait dans la nuit. Presque aussitôt, il réalisa qu’il ne savait pas ce qu’il faisait dans ce train. A vrai dire, il n’avait aucun souvenir. Il se passa la main sur le front, allant jusqu’à chercher son nom. Il ne se souvenait de rien.

     

    Il se leva, mal assuré sur ses jambes et chercha, en tâtonnant, le bouton pour ouvrir la lumière. Il le trouva au dessus de la porte aveuglée par un rideau de toile rêche, près de la veilleuse. Un plafonnier éclaira faiblement le compartiment vide. Il regarda sa montre. Elle marquait un peu plus de quatre heures.

     

    Péniblement, il fit coulisser la porte et passa dans le couloir sombre et glacé. Il remonta le col de sa veste et fit quelques pas. Tous les compartiments étaient déserts et plongés dans l’obscurité.

     

    Il arriva au bout du wagon. La porte des w.-c. battait contre celle du soufflet. Le vacarme des roues et des attelages était assourdissant dans les courants d’air gelés. Il tenta d’ouvrir la porte du soufflet pour passer dans l’autre voiture : elle était verrouillée.

     

    Il fit demi-tour et parcourut à grandes enjambées, le couloir jusqu’à son autre extrémité. De ce coté là aussi, la porte du soufflet était fermée à clef. Il appela et cogna contre la vitre. Personne ne répondit.

     

    Il était prisonnier d’un wagon désert d’un train lancé dans la nuit.

     

    Il alla boire une gorgée d’eau au lavabo. Elle avait un sale goût de fer. Puis, il regagna sa place dans le compartiment. Tout, dans ce wagon, était sale ou abîmé. Il y avait des tâches sur les sièges. Les miroirs, les cendriers, les cadres pour la publicité avaient été arrachés et les filets à bagages, au dessus des sièges, pendaient, déchirés… C’est alors qu’il réalisa qu’il n’avait ni sac, ni valise. Il voyageait sans souvenir comme il voyageait sans bagage.

     

    Il regarda par la fenêtre mais il n’y avait rien à voir à part son reflet et cette silhouette approximative, dans la lumière incertaine du train, ne lui rappelait rien… 

     

    O

     

    O                      O

     

    Il avait dû se rendormir quelques instants quand il fut réveillé en sursaut par un contrôleur qui entrait en cognant son composteur contre la vitre de la porte. Machinalement, le voyageur sorti de sa poche intérieure, un portefeuille noir. Dedans, il y avait un ticket. Sans un mot, le contrôleur lui prit des mains, le composta, lui rendit et sortit rapidement.

     

    Il se passa peut être 2 ou 3 secondes avant qu’il ne réagisse et se précipite dans le couloir. Le contrôleur était déjà presque tout au bout du wagon. Il courut après lui en l’appelant mais sa voix était couverte par le vacarme des roues. Lorsqu’il arriva à l’extrémité de la voiture, le contrôleur avait disparu et la porte de séparation était déjà refermée à clé. Sans trop y croire, il tapa deux ou trois fois contre la vitre en criant. Personne ne se manifesta. Alors il regagna son compartiment et reprit sa place. Peut être avait il rêvé ?

     

    Pourtant, il avait gardé son billet à la main. L’encre du compostage l’avait maculé le rendant illisible. Il ouvrit le portefeuille. Il était vide. Pas de papier d’identité, pas d’argent, rien, absolument rien. Comme si quelqu’un, (lui ?) l’avait soigneusement vidé. Il remit le billet dans le portefeuille et le portefeuille dans sa poche intérieure.

     

    A nouveau, son regard erra dans le vide, derrière la fenêtre. Insensiblement, ses yeux se fermaient. Juste avant de se rendormir tout à fait, il cru discerner dans le lointain, une lueur grise. Le jour se levait. Le train siffla longuement. Il dormait déjà. Sa montre marquait 4 heures et demi.

     

    Du temps passa. Une longue plaine se découvrait lentement derrière la vitre, passant d’un gris frileux à un sépia morne. Incapable de se réveiller tout à fait, il alternait les périodes d’abrutissements complets et celles de « demi sommeil ». Il était comme au sortir d’une anesthésie, la bouche amère, sans réaction. Il ne trouvait pas la position qui aurait soulagé sa nuque et son dos qui lui faisaient mal.

     

    La matinée passa, inexorablement, sans que le train ne ralentisse son allure. Vers midi, tout de même, son estomac se révolta. Il avait faim. Une nausée lui tordit le ventre et une mauvaise sueur baigna ses tempes. En proie à un vertige écœurant, il se leva et passa dans le couloir. Il fallait qu’il fasse quelque chose, qu’il avertisse quelqu’un, qu’il s’arrête quelque part et qu’il mange quelque chose.

     

    Il alla tout au bout du couloir et secoua, en vain, la porte du soufflet toujours fermée à clef. Il allait devenir fou dans cette prison errante. Ses yeux se posèrent sur le signal d’alarme. Il allait l’empoigner quand, au même instant, le train, en passant sur un aiguillage, se mit à ralentir dans le crissement strident des freins.

     

    Dehors, les premières maisons basses de ce qui semblait être un gros bourg campagnard surgirent de nulle part. Le convoi traversa lentement un faubourg désert. Au loin, entre les pâtés de maison, la mer se confondait avec l’horizon, dans la brume. Enfin, le train s’arrêta dans un profond soupir, le long d’un quai, vide.

     

    Il ouvrit la portière et sauta du wagon. Il fut surprit par le silence seulement habité par un grincement, au loin. Personne d’autre que lui ne descendit des voitures d’un vert militaire, alignées derrière la locomotive. La locomotive, noire et luisante soufflait calmement une buée blanche. Aucun cheminot n’était visible ni sur le quai, ni près du tender ou autour des attelages. Personne non plus dans le poste d’aiguillage, en surplomb, tout au bout du quai. Pourtant, au moment où il allait entrer dans le hall de la gare, un long coup de sifflet suivit du halètement de la locomotive le fit se retourner. Le train s’arracha difficilement. Puis, il prit, au rythme sourd de ses roues, de la vitesse. Les wagons défilaient, de plus en plus vite, devant lui. Ils étaient vides. Il n’aperçu même pas le contrôleur de la nuit. Déjà, le feu rouge du fourgon de queue disparaissait dans une large courbe, après la station. Il frissonna et entra dans la gare.

     

    Une verrière laissait tomber de la voûte un jour hésitant. Le bruit de ses pas résonnait dans le hall, sur le carrelage de pierre usée. Les guichets et la consigne à bagages étaient condamnés par des volets de bois. Au mur de la salle d’attente, un tableau noir mal effacé laissait encore deviner des chiffres en colonnes. A coté, une horloge marquait six heures. A sa montre, il était un peu plus de 13 h 30.

     

    La sortie donnait sur une petite place où les rails d’un tram dessinaient sur les pavés, une large boucle, juste devant un kiosque de bois. Une pluie fine et glacée se mit à tomber. Il alla s’asseoir sur le banc à l’abri du kiosque. Il avait envie de dormir. Le bruit des vagues lui arrivait de très loin, dans le silence, doucement.

     

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  • Je suggere que F Hollande chausse son beau nez rouge pour souhaiter une bonne année aux français.... Non? serieusement.....


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    Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Je suis un vieux monsieur. J’ai 70 ans. Alors ils sont tous venus. Il y a mes 2 fils et mes 3 filles, les gendres et les brus et les 7 petits enfants dont le plus vieux vient juste d’avoir 20 ans.

     

    20 ans ; exactement l’age que j’avais quand… quand tout aurait pu basculer… non, pas basculer ; mais être différent, être autrement.

     

    Et quand je vois notre tribu et notre maison pleine de bruits et de soleil, notre jardin plein de roses et notre bibliothèque, mon refuge, pleine de sérénité ; et surtout quand je te regarde, toi, ma compagne, ma complice des bons et des mauvais jours, toi avec qui j’ai tout construit, toi sans qui rien ne se serait construit, je me dis que j’ai eu une bonne vie, une belle vie et qu’à 20 ans, j’ai pris le bon chemin, j’ai eu le bon réflexe… sans même le savoir…

     

    A quoi tiens la vie ? A quoi tiens le bonheur ?

     

    Pendant qu’arrive le gâteau d’anniversaire dont je devrais souffler les bougies en une seule fois pour bien montrer que j’ai encore du souffle et que mon fils aîné ouvre une bouteille de champagne australien, bien meilleur que celui que font les français d’après ce que l’on dit chez nous, je revois cet épisode de ma vie comme un vieux film, avec amusement, avec attendrissement, cet épisode que je n’ai jamais raconté à personne.

     

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    C’était la nuit, une nuit de novembre 1959, à Londres, sur un quai de la Tamise, non loin de « Vauxhall bridge »…

     

    Non, il n’y avait pas de brouillard… mais un froid sec et vif, pétillant et vert comme du champagne.

     

    Le lendemain, je reprenais le bateau pour rentrer chez moi, en Australie, au bout d’un an de voyage.

     

    L’idée était de mon oncle. Il voulait que je lui succède à la tête de son cabinet d’assurances et il ne croyait ni aux études, ni aux diplômes. Autodidacte, il pensait qu’un jeune devait voyager autour du monde plutôt que de perdre son temps sur les bancs d‘une fac. Il avait convaincu mes parents. Il m’avait acheté un billet d’avion pour les USA et une guitare. Il m’avait mis un paquet de « traveller’s » dans les mains et m’avait conduit en personne à l’aéroport en m’expliquant qu’avec la guitare et les accords qu’il m’avait appris quand j’étais jeune, je pourrai gagner ma vie n’importe où…

     

    Il avait raison.

     

    Je suis parti fin 58. J’ai parcouru les « States » en stop de San Francisco jusqu’à New York en faisant un détour par le Canada puis je suis passé en Europe où j’ai sillonné l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la France et enfin l’Angleterre. Partout, avec ma guitare, j’ai été bien accueilli. Grâce à elle, on m’a donné à manger, à boire et rares ont été les soirs où je dormais seul dans mon sac de couchage.

     

    J’ai vu, j’ai appris plein de choses sur le monde et sur les hommes. J’ai connu des galères. J’ai vécu des moments merveilleux mais j’en avais marre. J’étais heureux de rentrer enfin chez moi. « I’m going home ».

     

    Ma dernière nuit à Londres... J’étais assis dans la pénombre de ce quai désert et je jouais de la guitare en chantant des textes que j’avais griffonnés sur un carnet, au hasard de mes rencontres, de mes étapes, de mes découvertes.

     

    C’était une belle nuit même si la lune jouait à cache cache derrière les nuages. Loin, vers le parc, sonnait un clocher… Londres, Impératrice des cités où jamais je ne me suis senti « étranger ». C’est en parcourant ses rues et ses parcs que le mot « liberté » a prit du sens pour moi. A Madrid, on m’a traité de clochard et à Paris, la police m’a contrôlé 20 fois en un mois. Ici, jamais un policeman ne m’a adressé la parole… Si, une seule fois, à « Trafalgar », vers 3 heures du matin, pour me demander si je n’avais pas trop froid.

     

    J’aime Londres, la plus libre, la plus tolérante, la plus séduisante des cités que je connaisse.

     

    Je ne sais pas par où il est arrivé. Brusquement, il était devant moi, c’est tout. Il me regardait et il écoutait mes chansons en silence. Il avait mon age à peu prés. Vêtu de cuir noir, il portait les cheveux longs pour l’époque. Dans l’obscurité, j’avais du mal à distinguer son visage. Simplement il se taisait ; il écoutait.

     

    Alors, j’ai joué tout mon répertoire pour cet unique spectateur, pour cet unique concert, sous les étoiles, dans l’air vif qui sentait parfois le goudron ou le gas-oil quand passait sur le fleuve un bateau. Les mouettes, perchées sur les amarres, dormaient.  

     

    Combien de temps ai-je joué ? Je ne sais pas. A un moment j’ai eu soif. J’ai ouvert une cannette de bière et j’ai bu une gorgée au goulot. Puis, je lui ai tendu la bouteille. Il l’a vidé d’un coup. Il a sorti un paquet de cigarettes et m’en a offert une avant de se servir. J’ai posé ma guitare et ensemble, en fumant, sans rien dire, on a regardé le fleuve où passait un train de péniches chargé de voitures.

     

    Tout à coup, il a parlé. Il m’a dit que ma musique était vraiment fabuleuse et que mes textes sonnaient juste. Il avait l’air sincère. J’ai rigolé. Je lui ai parlé de mon oncle qui m’avait appris à jouer et de mon voyage, des villes, des aventures qui avaient inspiré ces chansons.

     

    Il m’a dit que c’était génial, vraiment génial et il m’a parlé de lui, un tout petit peu… de sa mère tout de suite mais je n’ai pas compris si elle était morte ou simplement partie…il avait envie d’aller un jour aux USA. Il s’y passait des choses importantes pour la musique et surtout il y avait New York, la seule ville à ses yeux où il pourrait vivre… et mourir…

     

    Il avait une belle voix, grave et triste mais déjà cassée et usée pour son age et en même temps capable d’enthousiasme surtout quand il parlait de musique. Il essayait de former un groupe mais il avait du mal. Il y avait toujours un truc qui n’allait pas. Les mecs ne venaient pas aux repet’ ou ils arrivaient bourrés. Il avait l’air découragé.

     

    Je lui ai tendu ma guitare pour qu’il me montre ce qu’il jouait mais il a refusé en me disant que c’était mon concert à moi seul. Il a voulu que je rejoue une chanson qui parlait de Memphis et d’une fille aux yeux noirs et pleins de haine.

     

    Il m’a écouté presque religieusement. Il a rallumé une cigarette et c’est la seule fois où j’ai pu voir son regard, à la lueur du briquet, un regard étrange…lunaire… il était autre part, déjà dans un autre univers…

     

    A la fin, il y eu un long silence et puis, hésitant, presque timidement, il m’a demandé si je voulais pas venir, un jour, jouer avec lui et son groupe. Il avait besoin d’un son tel que le mien. Je lui ai répondu que c’était impossible, que je repartais chez moi, en Australie, sur un cargo, demain.

     

    Il n’a pas insisté.

     

    Une aube timide se levait doucement, loin, de l’autre coté de la ville et le vent a fraîchi.

    Les mouettes et les goélands, un à un, s’ébrouaient et prenaient leur envol vers la mer pour aller pêcher. 

     

    Alors, il s’est levé et m’a fait un signe de la main en guise d’adieu.

     

    Comme il s’éloignait, je lui ai demandé :

     

    -       « Hé, mec ! »

     

    Il s‘est retourné.

     

    -       « c’est quoi ton nom ? »

     

    Il s’est marré :

     

    - « Pourquoi ? Tu veux m’envoyer une carte postale avec un kangourou dessus ? »

                - « Non ! Pour mon journal. Je note le nom de tous ceux que je rencontre.

     

    Il a hésité puis, s’est décidé :

     

    -       « Lennon »

     

    Un silence.

     

    -       « John Lennon »

     

    Et il a continué son chemin vers le jour qui arrivait.

     

    §§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

     

    Tout le monde attend que je souffle les bougies. Mais moi, la seule chose que je vois, c’est ton regard. Tu me regardes en souriant. Toi seule a compris que j’étais parti loin, très loin pendant quelques instants…

     

    Ce sourire et ce regard : toute ma vie…

     

    Non vraiment, il n’ y a rien à regretter…

     

     LAST IROKOI © 2009 in « HISTOIRES DE LA VIE DE TOUS LES JOURS »

     

     

    EN HOMMAGE A J.LENNON TUE LE 8 DECEMBRE 1980....

    CE TEXTE DE 2009


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